31/10/2009

T'es qui toi ?

Caillou et moi, Malibu, Californie 2008

De nouvelles identités surgissent de tous côtés. Une force étrange pousse des individus normalement civilisés et socialement intégrés, à revêtir un masque, prendre un avatar. Il s’agit là d’une volonté légitime, d’un passage obligé vers une identité qui reprenne son sens et permette d’accéder à la reconnaissance, c'est à dire être une personne.



"Le désir d’être reconnu par les autres est inséparable de l’être humain. C’est seulement à travers la reconnaissance des autres que l’homme peut se constituer comme personne. Persona signifiait à l’origine “masque” et c’est à travers le masque que l’individu acquiert un rôle et une identité sociale. A Rome, tout individu était identifié par un nom qui exprimait son appartenance à une gens, à une lignée, et celle-ci se trouvait définie par le masque en cire de l’aïeul que chaque famille conservait dans l’atrium de sa demeure.

Si les autres humains sont importants et nécessaires, c’est avant tout parce qu’ils peuvent me reconnaître. La vérification de l’identité personnelle est très difficile dans une société qui ne connaît ni la photographie ni les documents d’identité...

A partir de la seconde moitié du XIX ième siècle, les délinquants (pour éviter la récidive) sont mesurés et photographiés. Les mesures anthropométriques et la photographie signalétique furent la première étape de la nouvelle identification. Mais c'est le relevé des empreintes digitales qui va transformer l’identité : pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’identité n’est plus fonction de la “personne” sociale et de reconnaissance, mais de données biologiques. L’homme a enlevé ce masque pour confier son identité à quelque chose qui lui appartient de manière intime et exclusive, mais avec quoi il ne peut en aucun cas s’identifier. Ce ne sont plus “les autres” mes semblables qui garantissent ma reconnaissance, ce sont désormais les arabesques insensées que mon pouce teinté d’encre a laissées sur une feuille, quelque chose dont je ne sais absolument rien, avec quoi je ne peux absolument pas m’identifier, mais dont je ne peux pas davantage m’écarter."


Grâce au développement des technologies biométriques, l’identité se réduit maintenant à une série de données numériques sur la vie nue, une identité sans personne. Cette nouvelle figure de l’humain trouve, à travers son avatar, la possibilité d’être, à nouveau, une personne...


Voilà. Voilà.


(Modèle réduit d'un texte emprunté à Giorgio Agamben)