08/11/2017

Hum


J'ai passé une bonne partie de ma vie au service de l'Education Nationale.
Deux mots majuscules.

Education, le mot dit beaucoup de l'idée que l'on se fait de notre humanité, plus qu'un état, un devenir.
Il a l'air propre sur lui. Il se distingue du dressage qu'on réserve pour les animaux...

Cette séparation est-elle si pertinente ?

Si on accepte de déposer ses idées sur la question et de regarder le phénomène sans affect alors on découvre des similitudes troublantes.

Souvent le langage lui-même se laisse piéger quand il n'est pas sur ses gardes. Devant l'échec de l'éducation et du dressage, il ne s'embarrasse plus de voiles, d'un même trait il parle de rééduquer et de redresser.

S'il fait attention à cacher ses intentions en s'entourant de précautions, de fioritures (un ministère pose le socle indiscutable de sa légitimité), il se laisse déborder par d'anciennes pratiques restées dans le langage commun. Ainsi le mot "maître" s'applique tout aussi bien à l'éducateur qu'au dresseur. Il conserve aussi des traces de son passé peu glorieux s'attachant aussi à l'esclave.

Et là, on voit, sans ambigüité, se dessiner un motif identique, celui de l'acte et de sa volonté.
L'animal humain s'applique en toutes circonstances à exercer sa domination sur tous les animaux.

Je préconise que l'on remplace dorénavant le mot "éducation" par Accompagnement.
En cas d'égarement, on parlerait de réaccompagner, c'est doux, non ?


20/10/2017

Surprise




J'ai retrouvé les silences et les nuits étoilées. Ils ont quitté la ville pour se réfugier dans la montagne.

Parfois, lorsque nous marchons sur les hauts plateaux, le silence est si intense que nous chuchotons pour ne pas le déranger.

Dans les premiers jours,  la nuit, quand nous rentrions, nous marchions sur la route en nous éclairant à la lampe frontale. Maintenant, nous laissons la lune et les étoiles nous guider.








19/10/2017

Plis

Ce matin, j'ai suivi ma troisième leçon de Feldenkrais.

Il est question de porter son attention sur ses articulations, sa colonne, ses vertèbres, ses os, d'examiner les déplacements de son corps et d'en mesurer les effets.

Cette activité, bien qu'elle se déroule allongée et que la somme effective des mouvements pratiqués soit à peine visible, m'épuise.

Et, pour la première fois, j'ai touché du doigt et pris conscience de mon squelette.

C'est une expérience inattendue et assez désagréable. La plupart du temps, nous sommes ignorants de cet aspect des choses.

Voilà, c'est comme ça. En se repliant puis se en dépliant, on peut saisir l'imperceptible qui nous maintient debout.

15/10/2017

Reconstituant



L'être, au contact de la civilisation, s'est affaibli, il a appris à marcher au pas, à courber l'échine, à baisser le ton...

Ces mouvements sont l'effet d'un long et pénible dressage, l'enfant court et crie à la moindre occasion avant d'être mis au pli.

En se réveillant un matin sans plus avoir à tenir le rang, le corps est soudain attiré par l'appel de la forêt.

Ce n'est pas une vue de l'esprit, toutes les civilisations l'ont noté.





13/10/2017

Libéré, délivré... (lalala)

Comme toujours, tout dépend du point de vue.

La société m'a mis hors service. Elle ne m'utilise plus, je ne sers plus à rien.
J'ai fait mon temps, je suis au rebut.

Toutefois...

En changeant d'angle, en passant de l'objet au sujet, en récupérant la main, la situation apparait bien différente (et c'est bougrement plus réjouissant).

Je suis libéré après 38 ans de travaux forcés. TRENTE HUIT ANS au service, 38 années à me lever à l'heure dite, le jour dit, à suivre, discipliné, les instructions à la lettre : faire ce qu'on me dit, quand on me le dit, où on me le dit... Une vie emprisonnée.

Aujourd'hui, je suis délivré, j'ai jeté mes habits du lundi, ceux du mardi et de tous les autres jours, et, insouciant, poussé par le soleil d'automne, je file, libre.




   










11/10/2017

Il est encore temps...




Retraité de la fonction publique. Je ne fonctionne plus publiquement.  Je suis obsolète.
(Il est intéressant de noter comme un mot peut réduire l'être au néant...)

Livré à soi-même, l'ennui guette. On peut le remplir en s'agitant dans tous les sens, comme le font les adultes ou en profiter pour donner corps à des rêveries adolescentes.

Le temps qui était dur et s'articulait en segments rigides, qui maintenait l'être en tension, le pressait de toutes parts, s'est brutalement relâché. Il est devenu élastique, mou, malléable. Il nous triturait, nous torturait, c'est maintenant nous qui lui donnons sa forme, il ne résiste plus. Le langage commun le dit bien "on se la coule douce".


09/10/2017

Schéma narratif

Devant la page blanche, il faut trouver une histoire à raconter...



Il y a toujours nécessité à se la raconter. Nous sommes plongés dans une histoire, la nôtre. On a beau connaître la fin, il faut, en attendant, inventer la suite.


08/10/2017

R - - - - - - E




Le meilleur moyen pour aborder une question, pour en faire le tour, avant de s’engager dans le récit (le Je qui déblatère à tout va) c’est de déplier le terme, de l’examiner sous les coutures.

Il est proche de son masculin «le retrait» qui, intuitivement, évoque plutôt un mouvement volontaire, une mise à distance provisoire.

La retraite, on la prend ou on nous y met. C’est un état, une ligne de séparation entre le dedans et le dehors. Avant, on fait partie du monde, après on se débrouille.
Elle est fermeture, l’accès à la société des actifs est proscrit (en l’entendant ainsi, on découvre, en négatif, dans l’ombre portée, ce qu’elle dissimule, on devient des passifs) et ouverture sur un avenir qui n’a pas de forme, on est au bout du chemin tracé.

Pris sous un autre angle, celui du temps considéré comme fonctionnant par étapes (c’est toujours amusant de voir comment les hommes se sont inventés des artifices pour tenir le coup) la retraite serait une troisième partie, après l’enfance et la maturité. Une partie sans nom, (ou des noms qui ne font pas plaisir : vieillesse, dégénérescence,..)

On va bien rigoler, je pense.