
18/05/2022
Brouillon (1)

16/05/2022
Allons donc (intermède) (8)
Tout de même, je me suis dit, tu as bien dû écrire quelques poèmes dans tout ton fourbi… Bien sûr il y a le Poème numéro 2, celui que tu as mis en page dans les années deux mille. Le numéro Un a disparu, a-t-il jamais été écrit ? Je crois que j’ai tout de suite commencé par le deuxième, le premier c’était trop difficile.
Alors, ce matin j’ai farfouillé, trouvé des trucs étranges, des pensées oubliées, des choses saugrenues, et puis, au milieu de tout ce fatras, j’ai ramassé, en date du 15 février 2012, ce texte abandonné dans les brouillons intitulé “poème, si on veut”
15/05/2022
Louise et bibi
La poésie c’est toujours un peu suspect, le mot déclenche rarement l’enthousiasme. Si je dis « je vais te lire un poème » un voile invisible de fatigue vient altérer ton doux visage.
Et c’est vrai, la poésie a mauvaise réputation, depuis l’enfance. Les souvenirs remontent : ânonner au tableau noir, piquet planté sur l’estrade sous le regard (plus ou moins) bienveillant de l’enseignant.e. L’image est persistante. Il y avait celles et ceux (surtout ceux) qui abandonnaient dès les premiers mots, à peine le titre massacré et retournaient, penauds, à leur place, dépités mais libérés. D’autres, sûr.e.s de leur mémoire, qui débitaient le texte d’un trait sans respirer, une mitraillette jusqu’au nom de l’auteur qu’ils enchaînaient sans pause. Il y avait l’élève modèle, celui ou celle sur lequel (laquelle) comptait le maître pour redorer son blason, faire jouer la musique des mots assemblés par le poète.
Bref, un poème ça rime à rien, du temps perdu, jeté par les fenêtres.
Et puis il y a Louise qui s’avance, elle est délicate, fine et fragile, une vieille dame aujourd’hui. Et ses mots t’attrapent, te tournent, te retournent, t’arrachent la peau, te déchirent l’âme. Tu es tout nu, tout petit, tu trembles. Putain, que c’est beau, que c’est bon.
Je n’ai pas écrit un seul poème dans les carnets, je bavasse de longue mais pas le moindre petit vers à se mettre sous la langue, pas même un petit haïku de rien du tout.
Aucun poème
Pas même
Un petit haîku
De rien du tout
14/05/2022
Mon vieux pote Angelus Silesius
Je suis étonné de trouver autant de poèmes dans mes carnets des années 90. Pessoa, Borges, Char,… Je les ai recopiés avec application. Ils couvrent des pages et des pages. Ils côtoient Nietzsche, Héraclite, et tant d’autres.
Je redécouvre Ernst Meister dont j’avais oublié l’existence.
13/05/2022
Abyssal (5)
Aujourd’hui, vendredi 13 mai 2022, je suis fatigué. La journée d’hier a été éprouvante (j’avais écrit « épouvante » avant de corriger), je l’ai passée à remplir des tonnes de déchets verts accumulés depuis des mois. Des monticules de feuilles mortes, de brindilles séchées, d’herbe coupée, de pommes de pins, de branches cassées. Je remplissais les sacs et je les transportais jusqu’à la benne en haut du chemin. Je les vidais. Régulièrement je montais dans la benne et sautais pour écraser cet amas et ainsi augmenter l’espace disponible. Et j’ai recommencé ce travail de force, encore et encore, de 9h à 13h, puis de 14h à 18h. Une benne le matin, une autre l’après midi. Il a fallu scier des dizaines de branches, des bouts de troncs tordus, gratter l’herbe pour rassembler les débris, tirer, plier, casser. Ce sont les pyracanthas qui m’ont donné le plus de mal, les branches étaient emmêlées, les épines, qui font parfois 7 centimètres de long, jouant comme du Velcro, rendant l’enchevêtrement impossible à dénouer. Et puis, les transporter par petits paquets en étant griffé, coupé, piqué. Enfin les écraser dans la benne, un calvaire.
Ce matin, j’ai feuilleté les carnets, mais la flemme (le dégoût du moindre effort) m’a fait renoncé à toute pirouette. D’un œil distrait j’ai quand même relevé un passage qui m’a arraché un demi-sourire
« 13/10/1993
Il est troublant de relire (lire) certains passages contant des faits sans importance qui se sont enfouis (enfuis) dans la profondeur de la mémoire… ça vit en nous sans existence… Il y a une gêne à retrouver des sensations ramenant un soi qu’on n’est plus et qui ne pourrait plus retranscrire ces non évènements. Je suis un autre, ailleurs ».
Un jour sans fin. Tout change, rien ne change.
Sur ce, je retourne m’avachir sur le canap’.
12/05/2022
La suite (4)
Je continue à relire les carnets des années quatre-vingt-dix. C’est plaisant, déstabilisant, étonnant… Il y a ce drôle de Moi qui remonte à la surface. Je reconnais certains traits caractéristiques, une structure assez bien établie, il radote toujours les mêmes rengaines, l’être, le langage, le temps, gagnagni gnagnagna. Je ne me souvenais pas qu’il s’était intéressé au mathématiques. Pourtant le texte fait foi…
J’ai parcouru ce truc indigeste, j’ai tourné la page et ça m’a plutôt rassuré…
11/05/2022
Bla-bla-bla (3)
Jeudi 26 mars (1993)
J’ai peint toute la journée. Le résultat n’est pas fameux. P., du haut de ses 11 ans, a trouvé ça « nul ». Ce jugement sans appel a conforté mon impression sur le travail réalisé. J’ai plutôt détruit ce que j’avais péniblement entrepris la veille. Les collages trop apparents rendaient l’image chaotique, déséquilibrée. J’ai cherché pendant des heures le chemin pour retrouver un semblant d’harmonie, j’ai sonné à toutes les portes, le tableau est resté fermé. J’ai fini par nettoyer les traces que j’avais laissées. Raté, le tableau est perdu. Pour le supporter je l’ai orienté différemment. C’est maintenant un losange.
Cette année là, mes carnets regorgent de remarques sur la peinture. Je les relis sans les comprendre :
10/05/2022
LTDTSE (2)
Lundi 7 juin 1992
6:15 Un grand bruit a dû me réveiller… sinon comment expliquer que j’ai les yeux comme des billes depuis 3/4 d’heure ? Ma machine mentale s’est mise en route toute seule, elle traverse des petits chemins et me pousse hors du lit pour prendre une feuille, un crayon. Je note ce qu’elle me dicte : la force de l’homme c’est sa capacité à créer des illusions qui ramènent le mystère à sa mesure, sa vision. Il opère une rectification, une réduction. Perdu devant le ciel étoilé, il a les yeux qui brillent et la bouche qui pend. Médusé par l’immensité, il décroche des petits bouts pour en faire des morceaux à sa taille, il les peint, les sculpte, raconte des histoires.
7 juin 1992 ? Cette date ne m’évoque rien, elle est inscrite sur ma ligne de vie, entre le 6 et le 8. Six heures quinze, l’instant pointé du doigt, inséré entre les millions de minutes qui l’ont précédé et celles qui l’on suivi. Tous les 6:15 se ressemblent, ils sont trop petits pour qu’on les distingue les uns des autres.
A cette époque, je gardais dans mes carnets les traces écrites des filles. Je les découpais et les rangeais soigneusement. Si mes textes me laissent pantois, les leurs me tirent des grands sourires.
09/05/2022
Le temps dans tous ses états (1)
Dans le désordre, je relis et relie, copie et recopie, annote et commente mes propres écrits, un fourmillement. Je creuse au hasard, découvre des bouts d’existence collés sur le papier jauni. Ces mots oubliés réveillent des souvenirs, des sensations.